Le français, c’est compliqué
Douloureux constat ou fabrication de paresseux?
Le français et l’anglais font l’objet de la présente comparaison étant donné leur accessibilité mutuelle et le fait qu’on dise de l’anglais qu’elle est la langue la plus facile à apprendre. Winston Churchill – on le traduit librement – a dit que l’anglais est la langue la plus facile à parler mal. Cette dernière, truffée de synonymes presque parfaits dont l’utilisation dépend en grande partie du contexte et de la formulation expresse employée, semble fonctionnelle dans les relations commerciales Canada français/Canada anglais et Canada français/États-Unis, mais n’est pas pour autant facile à parler et à apprendre.
What it boils down to
Les chiffres parlent : alors que le français possède 35 phonèmes (sons distincts), l’anglais en affiche 46. Ce n’est pas considérable. Là où le bat blesse par contre, c’est dans le nombre de graphèmes, soit la façon même de représenter ces sons. Le français en permet 190 et l’anglais… pas moins de 1120! On ne s’en rend pas vraiment compte puisqu’on les apprend par cœur. Par cœur! La principale différence réside dans le fait que l’anglais est une langue contextuelle dont chacun des mots doit être pris en aparté pour en analyser la prononciation de même que le sens (pour l’enjeu de synonymie précédemment mentionné). La simple lettre « a », dépourvue d’accent, puisque l’anglais n’en a pas, peut se prononcer d’au moins cinq façons distinctes (fat, shall, quarry, forage, race, etc.).
De plus, en France, le Ministère de l’Education nationale et le Bulletin officiel sur l’enseignement de l’anglais y vont de cette description : « Le schéma accentuel du mot est immuable et doit à ce titre être appris pour chaque mot nouveau. Un accent mal placé peut déformer totalement un message, voire le rendre inintelligible. »
Le français, force tranquille
La force du français réside dans la rigueur de ses règles et de son application. J’écris en français; je cherche une règle; je trouve en quelques secondes une source de premier plan me montrant la marche à suivre et la raison pour laquelle elle devrait être suivie. En ce qui a trait à l’anglais, il y a un certain flottement. Bref, tout se dit, mais rien ne se dit vraiment. Ça a le mérite d’être souple. Mais là où l’allée est large, le dalot est profond.
Certains auteurs étrangers écrivant en français – qui auraient pu choisir de s’exprimer par écrit dans une autre langue – conviennent que cette langue, outre sa richesse, offre plusieurs avantages tacites. Gao Xingjian, Prix Nobel de la littérature en 2000, affirme que « [la] grammaire française est tellement stricte que si on la suit bien, il n’y a pas de problème. Il est facile d’avoir une écriture correcte en français. »
Parallèlement, l’écrivain et cinéaste Eugène Green en rajoute une couche : « Le français impose un recul […] même pour quelqu’un dont c’est la langue maternelle. Si bien que la langue française met un auteur d’origine étrangère sur un pied d’égalité. » Le problème, ce n’est pas qu’il soit compliqué d’écrire en français. C’est plutôt que ses locuteurs et locutrices sont peu ou ne sont pas enclins et enclines à suivre son ensemble de règles strictes. Les idées reçues à propos de sa complexité, de sa sonorité qui ne se prête pas à la musique, de son statut de « moins cool que l’anglais » peuvent être déboulonnées, si l’on se prête à l’exercice.
En prime : une des vedettes du top 10 des nouveaux mots du dictionnaire anglais Merriam-Webster est… faute de mieux! L’élévation du statut de l’expression découle du climat politique étatsunien pendant la campagne électorale de 2016.